LE « ROI JUIF » DE NARBONNE
Le terme Nassi, que l’on traduit habituellement en français par le mot « prince », a été employé en hébreu médiéval pour désigner soit des dirigeants réputés des communautés juives, en raison de leur appartenance aux familles aristocratiques, soit, comme il fut dans bon nombre des cas, des dirigeants spirituels dont la renommée leur assurait un ascendant particulier, qui dépassait le cadre de leur propre communauté(1). Tels furent par exemple les cas des chefs de la communauté de Rome, qui portaient ce titre aux XIe et XIIe siècles, se considérant comme les dirigeants du judaïsme d’Europe occidentale, ou bien d’Abraham Bar Khiya de Barcelone, reconnu au XIIe siècle comme chef des communautés de la Catalogne et de l’ Aragon ; par ailleurs, les chefs de la communauté de Barcelone furent qualifiés de Nassi, titre qui indiquait leur fonction, sans qu’il ait impliqué une succession familiale. En revanche, l’emploi de ce titre à Narbonne, depuis le XIe siècle et jusqu’au début du XIVe siècle représente un phénomène différent, à cause de son contenu particulier, au point qu’il faut le considérer comme un cas sui generis. En effet, ce qui est frappant dans le cas de Narbonne est que le titre Nassi ait été exclusivement réservé à la famille des dirigeants de la communauté, qui prétendait descendre du lignage du roi David, donc de la royauté biblique ; de surcroît, cette famille possédait un important patrimoine foncier dans la région. Enfin, elle dirigeait héréditairement l’école talmudique de Narbonne, ce qui ajoutait une dimension spirituelle à ses autres attributs.
Cette condition particulière de la famille de ces chefs de la communauté de Narbonne n’émanait ni des fondements juridiques, ni des pratiques institutionnelles du judaïsme occidental au Moyen Age ; elle reflète des mentalités propres aux sociétés médiévales qui accordaient un prestige particulier au lignage. C’est ainsi que la renommée de cette dynastie, largement diffusée parmi les communautés juives en Europe occidentale, avait atteint la société chrétienne du Languedoc, où le Nassi était surnommé « le roi juif de Narbonne » ; cette appellation, d’origine populaire, se retrouve aussi dans les actes diplomatiques des XIIIe et XIVe siècles. En revanche, ce phénomène a été connu dans les communautés du Proche-Orient, tels que l’institution de l’exilarchat mésopotamien ; en effet, la dynastie des Exilarques, issue du lignage sacré de la royauté biblique, servit d’exemple aux prétentions dynastiques de la famille des dirigeants narbonnais. Dans une certaine mesure, on peut faire état du développement de l’institution des Nessiim palestiniens à l’époque fatimide (Xe-XIe siècles). Pourtant, ces dynasties orientales se contentèrent habituellement d’exercer la direction temporelle des communautés, d’autant plus que leur pouvoir fut limité par la forte influence des dirigeants spirituels, les chefs des académies rabbiniques de Mésopotamie et de Jérusalem, qui portaient le prestigieux titre de Gaon(2). Néanmoins, cette séparation des pouvoirs pratiquée dans le Proche-Orient ne s’applique pas au cas de Narbonne, ce qui met en relief le caractère exceptionnel de la dynastie des Nessiim occitans, en raison de la complexité de leurs fonctions.
La légende narbonnaise qui attribue à la famille des chefs de la communauté locale la descendance du lignage royal israélite, par le truchement de la dynastie des Exilarques mésopotamiens, contribua sans doute à l’exaltation de la renommée et du prestige de cette famille. Cependant, il faut le souligner, leur ascension à la direction d’une des plus anciennes communautés juives de l’Europe(3), établie dans la métropole de la Provincia Narbonensis au premier siècle de l’ère chrétienne, n’a pas été une conséquence de l’émergence et de la diffusion de cette légende. Déjà à l’époque du bas-Empire romain, on y remarque quelques familles qui avaient acquis des biens fonciers, employant dans leur patrimoine des esclaves ou ouvriers locaux ; cette pratique fut poursuivie sous la domination wisigothe, malgré l’anomalie créée par le processus de christianisation du pays. En effet, au VIe siècle, la législation canonique prohiba formellement la possession d’esclaves chrétiens par des propriétaires juifs(4). Malgré cette interdiction et l’attitude nettement antijuive des rois wisigoths au VIIe siècle, elle n’affecta pas le pays narbonnais ; ce régime resta en vigueur même après la conquête de la Septimanie par Pépin le Bref en 757, en dépit des exhortations du pape Etienne II (5.) Ce fut parmi les familles aristocratiques que les chefs de la communauté furent choisis ; on peut facilement supposer que, finalement, ce furent les plus riches de ces propriétaires qui réussirent à s’assurer la domination héréditaire de la communauté, processus probablement achevé avant la fin du Xe siècle.
Selon l’exemple donné par les dirigeants juifs du califat de Cordoue, il incombait aux chefs aristocratiques des communautés de pratiquer le mécénat, voire de fonder des écoles talmudiques et d’y entretenir à leurs frais des enseignants et des élèves (6). Or, à cet égard, on remarque à Narbonne une convergence particulièrement intéressante : l’achèvement des mutations institutionnelles, qui confia le gouvernement de la communauté de façon héréditaire à une famille de propriétaires fonciers, coïncida avec l’installation dans la ville, vers la fin du Xe siècle, d’un talmudiste réputé originaire du Mans, Jacob ben Moïse ben Abun, que l’on peut à bon droit qualifier de fondateur du grand centre intellectuel juif du Languedoc. Il semble que, lors de son arrivée, Ben Abun ait déjà trouvé à Narbonne une école fondée par le dirigeant, encore anonyme, de la communauté : ceci lui permit de se libérer des soucis d’ordre matériel et de consacrer son temps à ses études et à son enseignement, dont le rayonnement dans la région fut reconnu de son vivant : le titre Gaon qui lui fut conféré témoigne de son prestige exceptionnel (7). Pourtant, il faut remarquer une particularité dans l’organisation de cette école ; ni Ben Abun, ni ses successeurs du XIe siècle, qui furent les véritables grands maîtres de ce centre d’études rabbiniques et à qui on devait sa renommée, n’ont pas été les chefs titulaires de cet établissement, la Yeshivah de Narbonne. Cette fonction fut réservée aux chefs de la famille gouvernant la communauté qui, outre la pratique du mécénat, jouait un rôle actif dans la direction du centre d’études et, par conséquent, jouissait de son prestige.
C’est donc après l’achèvement de ce double processus, au cours du XIe siècle, que ces dirigeants prirent le titre de Nassi, afin de consolider leur pouvoir et autorité. De surcroît, ils eurent recours aux légendes afin de se donner un lustre aristocratique. Ce procédé était courant dans la société seigneuriale de l’Occident européen, où les textes littéraires « corrigeaient » la vérité des sources narratives et mêmes diplomatiques, en attribuant à leurs héros des lignages légendaires ; telles furent par exemple les histoires concernant « les origines troyennes des Francs », et surtout les histoires littéraires de Charlemagne, en l’occurrence les chansons de geste, où les seigneurs du XIe au XIIIe siècle retrouvaient des ancêtres réels ou imaginés dans l’entourage du grand empereur (8). Aussi bien, la légende juive, cristallisée pendant le XIIe siècle, fut elle aussi rattachée à l’imagerie carolingienne, évidemment dans une perspective particulière ; l’auteur juif de Narbonne n’a pas hésité à souligner le « souci de Charlemagne pour l’enseignement rabbinique ». A cette fin, la légende raconte que le monarque franc profita de son alliance avec le calife abbasside de Bagdad pour lui demander qu’il lui envoie un de ses juifs, réputé dans la science et de surcroît notable. Ce qui fut fait : le calife choisit un certain Makir, décrit comme un savant réputé et en même temps membre de la dynastie des Exilarques, donc descendant du roi David, et l’envoya auprès de Charlemagne. De son côté, celui-ci fit établir Makir à Narbonne, le dota d’un patrimoine foncier et l’y fit marier avec la fille d’une famille distinguée. Quant à Makir, il y fonda une école, devenue le centre de l’enseignement talmudique de l’Empire carolingien (9). Grâce à cette légende et à sa crédibilité, les Nessiim de Narbonne ont fondé leurs prétentions de préséance au sein du judaïsme de l’Occident ; descendants de Makir, ils appartenaient au lignage sacré de la royauté biblique, tout en héritant de l’autorité spirituelle des grands maîtres du Talmud babylonien.
Sur le plan typologique, la légende narbonnaise se rattache aux traditions de différentes communautés occidentales concernant l’épanouissement de l’enseignement talmudique et la fondation des écoles rabbiniques dans les pays du Maghreb et de l’Europe occidentale. Ces traditions reflètent quelques variantes du même thème principal : la diffusion de l’enseignement « babylonéen », à partir de la Mésopotamie, dans les nouveaux centres occidentaux, toujours par l’émigration de maîtres réputés. C’est ainsi que l’histoire de l’émigration de Natronaï ben Zabinaï, racontée à la fin du Xe siècle par Sherira Gaon dans son « Epître » (10), fait état d’un des nombreux conflits entre Exilarques et Geonim en Mésopotamie ; n’ayant pas pu imposer son autorité aux Geonim, Natronaï fut obligé de s’exiler vers 771 ; installé en Espagne, il y diffusa l’enseignement « babylonéen ». Une autre tradition fit état de l’émigration du savant mésopotamien Abu- Aharon en Italie, qui fonda son école à Lucques, transférée au Xe siècle à Worms, en Rhénanie (11). Enfin, la « Légende des quatre captifs » raconte comment quatre maîtres mésopotamiens, capturés par des corsaires lors d’un voyage en Méditerranée, furent rachetés par différentes communautés, où ils furent rapidement reconnus pour leur science et où ils fondèrent leurs écoles respectives, ayant ainsi transmis les méthodes d’enseignement de leur académie aux pays occidentaux (12). Tous ces récits sont fondés sur le fait que du VIIIe au Xe siècle divers savants d’origine mésopotamienne, ou ayant étudié dans les académies de la Mésopotamie, ont quitté pour telle ou telle raison leur école et ont fondé de nouveaux centres d’études dans les pays du Proche-Orient et surtout de l’Occident, qui était dépourvu d’écoles supérieures, soit des Yeshivoth. Cette « migration de la science rabbinique » amena à la prolifération des centres juifs d’études, qui fut nécessaire à cette période en raison des difficultés croissantes de communication entre l’Occident et l’Orient après la rupture de l’unité du califat musulman vers 750. Ces difficultés imposaient aux communautés juives de l’Occident de résoudre leurs problèmes de jurisprudence rabbinique sans attendre les décisions des Geonim mésopotamiens (13). A cet égard, le légendaire reflète deux aspects importants concernant les nouvelles écoles : leur fondation par des « sages mésopotamiens », destinée à souligner leur légitimité orthodoxe par l’adoption du Talmud « babylonéen » et du legs gaonique et, d’autre part, la volonté de mettre l’accent sur leur originalité, voire sur leur indépendance vis-à-vis des autres centres intellectuels créés en Occident.
A la différence de ces versions, la légende de Narbonne ajouta aux dimensions spirituelles, à savoir l’héritage mésopotamien et l’originalité du centre occitan, l’aspect dynastique, le lignage du roi David. La famille des Nessiim, que la légende représentait comme les descendants de Makir, avait donc hérité de « deux couronnes », l’une royale et celle de la Torah, ayant ainsi poussé ses prétentions d’autorité à des extrémités sans précédent dans l’histoire juive et dans une fausse perspective du modèle mésopotamien, dont elle se vantait. De surcroît, tandis que les fondations des autres centres, parfois rivaux, résultaient d’initiatives privées ou furent bien le fait d’exilés, par exemple l’installation en Espagne de Natronaï ben Zabinaï, la version narbonnaise attribua à l’arrivée de Makir le caractère d’une mission, effectuée dans le cadre d’un accord entre les deux souverains les plus prestigieux de l’époque, Charlemagne et Harun al-Rashid, ce qui devait accorder à la dynastie des Nessiim un prestige particulier.
Puisque les Nessiim exerçaient une autorité incontestée à Narbonne dès avant l’émergence et la diffusion de la légende de leur origine, il est opportun de poser la question de savoir pourquoi cette légende a souligné avec insistance l’élément du lignage. Du point de vue phénoménologique, la recherche a distingué entre le caractère aristocratique du régime des communautés de l’Espagne et celui, nettement plus « démocratique », des communautés franco-allemandes. C’est ainsi que les Kalonymides de Lucques et de Worms, une véritable dynastie de sages de très haute réputation, n’ont jamais pris le titre de Nassi et n’ont pas revendiqué une descendance aristocratique d’ancêtres réels ou légendaires (14). En revanche, selon le témoignage du chroniqueur Abraham Ibn Daoud de Tolède, du milieu du XIIe siècle, il y avait en Espagne des familles, surtout à Grenaderqui se prétendaient descendantes de l’aristocratie juive de Jérusalem du Ier siècle et, qui auraient été déportées par les Romains en Andalousie après la destruction du temple de Jérusalem en l’an 70 (15). Ayant adopté le modèle séfarade pour le régime de leur communauté, les Nessiim de Narbonne trouvèrent nécessaire de se forger des « lettres de noblesse », revendiquant de relever du plus haut lignage du monde juif. Enfin, une autre considération jouait aussi son rôle dans la création de ce lignage légendaire. Le patrimoine de la famille des Nessiim était tenu en pleine propriété et fut donc assimilé aux alleux ; or le processus de la féodalisation dans la France méridionale, aux XIe- XIIe siècles (16), impliquait la reconnaissance d’un statut exceptionnel de cet alleutier juif ; le gouvernement héréditaire de la communauté l’amena à adopter un train de vie quasi-seigneurial, tenant sa « cour » à proximité du palais vicomtal. Afin d’étayer leurs prétentions patrimoniales, les Nessiim adoptèrent un procédé déjà répandu dans les pays de l’ancien empire carolingien, l’attribution de l’origine de leurs possessions et de leur condition à une prétendue donation de Charlemagne. Dans le cas spécifique de notre famille, cette revendication fut incluse dans la légende de Makir ; c’est ainsi que l’auteur du texte souligne soigneusement que Charlemagne avait richement doté Makir de propriétés à Narbonne, ce qui sous-entendait que les biens fonciers de la famille étaient d’origine carolingienne et que leur possession donnait à leurs propriétaires le droit d’être assimilés aux seigneurs.
Tandis que les aspects spirituels de la légende de Makir sont restés l’apanage de la société juive et ont contribué à l’accroissement du prestige des Nessiim et à sa diffusion en France et en Espagne (17), les aspects dynastiques et temporels furent rapidement diffusés dans la société chrétienne du Languedoc, où ces thèmes ont été reçus, mais dans un changement de perspective, correspondant à ses mentalités. Un des plus importants foyers du développement de la légende de Charlemagne dans le Languedoc au XIIe siècle, l’abbaye de La Grasse près de Carcassonne, avait recueilli entre autres matières les échos de la légende juive de Narbonne. L’œuvre en occitan du Pseudo-Philomène, consacrée aux gestes de Charlemagne dans la province, contient la version retenue par la population chrétienne du Languedoc, qui comporte des éléments différents de ceux qui avaient été retenus par l’auteur de la légende hébraïque de Narbonne. Cette version se rattache à la légende de la « conquête de Narbonne par Charlemagne », qu’il faut lier aux revendications temporelles de l’archevêque Bérenger, ancien abbé de La Grasse18. Pendant le siège de la ville, raconte-t-il, une délégation juive se présente auprès de l’empereur pour négocier une capitulation. L’argument avancé par Philomène comporte un intérêt particulier, parce qu’il fait expliquer par le chef de la délégation que son arrivée dans le camp carolingien ne doit pas être taxée de trahison, étant donné que les « Sarrasins » savent parfaitement que les juifs jouissent de droits propres à Narbonne puisqu’ils sont gouvernés par « leur roi » (19). Le récit se termine par la soumission de la ville et par la décision de Charlemagne d’y créer trois seigneuries : de l’archevêque, du vicomte et du « roi juif », auquel on doit une récompense pour avoir rendu la ville au Carolingien (20).
C’est ainsi que, malgré la différence des versions, les deux légendes convergent, lors de leur cristallisation au milieu du XIIe siècle, sur un point capital : l’origine des biens fonciers, voire seigneuriaux, du Nassi ou bien du « roi juif » est carolingienne. Cette revendication a son importance dans les circonstances nouvelles de la seconde moitié du XIIe siècle, marquées par un « retour du roi de France », en l’occurrence les actes de Louis VU, confirmant certains privilèges seigneuriaux dans le Midi (21). Cependant, à la différence des vicomtes et des archevêques, dont les droits seigneuriaux sous-entendaient l’exercice de l’ensemble des prérogatives féodales, le Nassi n’était pas un véritable seigneur. Il ne pouvait pas inféoder les domaines et par conséquent ne disposait pas de vassaux ; en tant que propriétaire foncier, il faisait plutôt figure de rentier, dont ses revenus faisaient le plus riche membre de la communauté et lui permettaient de mener un train de vie quasi seigneurial. Qui plus est, son titre de « roi juif » ne doit aucunement être compris comme « roi ou seigneur des juifs », parce que son autorité à l’intérieur de la communauté n’émanait pas des privilèges féodaux ; il dirigeait sa communauté et son école selon des traditions et des règles déjà millénaires (22), en dépit des apparences seigneuriales.
Malgré ces légendes cristallisées au XIIe siècle, il faut souligner que des juifs narbonnais possédaient des domaines et des salines dans le pays déjà à l’époque du bas-Empire romain, qu’ils exploitaient par le travail des esclaves et, depuis l’époque carolingienne, des paysans chrétiens. En effet, quelques années après la conquête de la Gothie par Pépin le Bref, en 757, on constate que l’assujettissement des paysans chrétiens par les propriétaires juifs, en contravention ouverte avec les canons du concile d’Agde de 506, souleva des objections dans les milieux ecclésiastiques. Le pape Etienne II exigea de l’archevêque de Narbonne, Aribert, de mettre fin à cette pratique (23). Cependant, les exhortations du pape ne donnèrent pas de résultats ; Pépin ne trouva pas opportun de prendre des mesures susceptibles à changer le régime de la Septimanie et, autant qu’on peut le supposer en raison du silence des textes, l’archevêque Aribert ne déploya pas d’efforts pour en persuader son souverain. Quoi qu’il en soit, les juifs narbonnais continuèrent à jouir de la possession de leurs terres et de la main- d’œuvre des paysans chrétiens jusqu’au début du XIIIe siècle. Pourtant, il est fort probable qu’un processus de regroupement de ces domaines ait eu lieu aux IXe et Xe siècles et qu’il ait joué en faveur des ancêtres des Nessiim qui, aux XIe et XIIe siècles, sont restés les seuls propriétaires fonciers juifs dans la région, ce qui les assimilait à l’aristocratie du pays.
Les membres de cette dynastie ont acquis leur réputation et leur prestige dans les communautés juives de l’Occident européen grâce à leur ascendant spirituel, en tant que fondateurs et dirigeants de l’école talmudique, la Yeshivah de Narbonne. Cette école fut divisée au cours du XIe siècle en classes distinctes : la « Yeshivah aux jeunes » et celle « aux vieux ». Tandis que la première était essentiellement un établissement d’enseignement élémentaire, la seconde est devenue un important centre d’études talmudiques, qui attirait des étudiants déjà formés de la région, ainsi que des communautés plus éloignées ; outre l’enseignement avancé de l’interprétation des textes, on y délibérait sur des questions posées en raison des circonstances qui exigeaient l’adaptation de la jurisprudence. Ces débats s’achevaient par des conclusions, parfois de véritables préceptes, signées par le Nassi ; leur autorité était incontestable dans les communautés du Languedoc et de Provence. Et bon nombre de sages, surtout en France septentrionale et en Espagne, en acceptèrent la teneur et les insérèrent dans leurs propres ouvrages, au point que le témoignage du voyageur Benjamin de Tudèle, qui qualifia vers 1160-1170 Narbonne de « centre de la Torah » (24), est bien fondé. En effet, sous la haute direction des Nessiim, plusieurs générations de sages ont été formées à la « Yeshivah aux vieux » au cours des XIe et XIIe siècles, dont certains furent actifs dans des communautés éloignées, tel Joseph Tov-Elem ; d’autres, surtout au milieu du XIIe siècle, ont fondé des écoles dans d’autres localités du Languedoc, qui sont devenues à leur tour d’importants centres de la science rabbinique (25).
C’est ainsi que lorsque le fameux dirigeant du judaïsme de la France septentrionale, Jacob Tam (Rabbenou Tam), entreprit la rédaction des statuts des communautés françaises, entre 1160 et 1166, il trouva opportun de se référer à l’autorité des décrets des Nessiim de Narbonne (26). Quelques années plus tard, un Narbonnais installé à Barcelone, Sheshet ben Isaac, dont la correspondance avec les membres de la dynastie contient des questions concernant la jurisprudence talmudique qui intéressaient les sages catalans et aragonais, employa une paraphrase pour qualifier sa ville natale de Ner binnah (« cierge d’intelligence »), rendant hommage aux savants de son école, qu’il considéra comme une lumière de la science, éclairant tout le judaïsme (27).
Les origines de cette Yeshivah et l’ascension des « descendants de Makir » jusqu’à leur position de dirigeants spirituels sont nébuleuses. La chronique de l’Anonyme de Narbonne, qui est la seule source écrite de la légende makirienne, garde le silence sur l’évolution précédant le XIe siècle.
Même si ce Makir a été un personnage réel, nous ne disposons pas de témoignages sur son activité, ni sur celle de ses successeurs. Il est probable que ce sont des Narbonnais ayant étudié en Espagne, surtout au cours de la seconde moitié du Xe siècle à l’époque de Hisdaï Ibn Shaprut de Cordoue, dont l’influence sur les communautés de la France méridionale est bien connue (28), qui ont fondé cette école après leur retour dans leur foyer, avec l’aide matérielle du chef de leur communauté. Quoi qu’il en soit, la réputation de cette Yeshivah éclata vers la fin du siècle, après l’installation de Jacob ben Abun à Narbonne, et elle fut la conséquence de son enseignement.
En revanche, l’histoire de cette école est mieux connue à partir du XIe siècle, grâce à l’enseignement de Ben Abun et de ses disciples ; à partir de la seconde moitié de ce même siècle, on peut suivre les activités des Nessiim, depuis l’époque de Todros le Vieux. Le prestige de cet établissement arriva alors à son apogée, particulièrement grâce à l’enseignement d’un fameux exégète, Moïse Hadarshan (« le prédicateur ») ; parmi ses élèves, il faut mentionner le grand lexicographe Nathan ben Yehiel de Rome et Joseph Karo, l’un des fondateurs du grand centre exégétique juif de la France septentrionale (29). Aussi bien, la « Yeshivah aux vieux » attirait bon nombre de savants et d’étudiants provenant des pays lointains, qu’il fallait loger et nourrir ; outre ses activités spirituelles, telles que la composition des chants liturgiques, le Nassi prit en charge les besoins matériels de ces gens. Les ressources de la famille lui permettaient d’allouer les sommes nécessaires à l’entretien de l’école, de son personnel et de ses élèves.
Ce mécénat aboutit au passage de la Yeshivah dans la dépendance du Nassi, en lui accordant une autorité particulière sur l’établissement. L’auteur de la chronique hébraïque de Narbonne, qui, dans la seconde moitié du XIIe siècle, se fit un devoir d’exalter la dynastie des Nessiim, la décrit comme une autorité suprême : « Et il y avait à Narbonne de grands savants, chefs de la Yeshivah, qui obéissaient aux Nessiim de la même manière que les chefs des Yeshivoth babylonéennes obéissaient aux Exilarques (30) .» Cette description met particulièrement en relief l’importance de ces dirigeants pendant le siècle qui s’étendait entre la génération de Todros le Vieux (seconde moitié du XIe siècle) et celle de son arrière-petit-fils, Kalonymus V (seconde moitié du XIIe siècle), qui sont représentés comme jouissant de la plénitude des pouvoirs, à la fois comme les Exilarques et les Geonim ; elle tendait donc explicitement à souligner la prépondérance de l’autorité des Nessiim à Narbonne, même si la comparaison avec le modèle mésopotamien ne correspondait point à la réalité. En effet, ce régime unitaire ne fut pas pratiqué dans l’ensemble des communautés juives de l’Orient et de l’Occident, où l’on remarque une séparation claire entre le pouvoir temporel, représenté en Occident par les Parnassim, que l’on peut comparer aux prud’hommes, et l’autorité spirituelle des sages (31).
En dépit de l’image exagérée du chroniqueur narbonnais, il s’avère que les Nessiim jouissaient d’une autorité particulière dans la communauté et sur son école talmudique, qui n’était pas comparable avec le régime des autres communautés du monde juif médiéval. Par ailleurs, le cas de Narbonne représente une évolution exceptionnelle, incompatible avec le modèle des institutions indo-européennes, tel qu’il a été défini par Georges Dumézil. Selon ce modèle, les institutions orientales du Moyen Age accusent une tendance au régime monocratique, par l’union du pouvoir séculier et de l’autorité religieuse, par exemple le califat musulman ou le « césaro-papisme » byzantin ; en revanche, la civilisation occidentale a développé le type de la séparation des pouvoirs, déjà défini par la doctrine gélasienne des deux glaives, qui était fondée sur la tradition biblique (32). Le modèle anthropologique de Dumézil, dans sa définition occidentale, se prêtait aussi bien à l’ensemble des institutions juives en raison de ses fondements bibliques, qui avaient imposé la séparation des fonctions royale et sacerdotale dans l’ancien Israël, mais aussi en raison de l’évolution de la tradition postbiblique de la doctrine des « deux couronnes », exigeant la séparation entre le pouvoir royal et l’autorité des Sages, symbolisée par la « couronne de la Torah ». Cette doctrine aboutit à la création du régime mésopotamien du VIe au XIe siècle, où l’on distinguait entre le pouvoir temporel des Exilarques, descendants du lignage du roi David, et l’autorité spirituelle des Geonim, les chefs des académies talmudiques, qui s’opposaient de manière constante à toute tentative des Exilarques et des membres de leur dynastie de s’ingérer dans les affaires appartenant à leur domaine spirituel (33).
A cet égard, le régime de la communauté de Narbonne présente une exception. Quoiqu’il faille se méfier des exagérations du chroniqueur concernant « la plénitude des pouvoirs » des Nessiim, puisque parmi les sages de la « Yeschivah aux vieux » il y eut des personnalités dont l’autorité dans le domaine des sciences rabbiniques était reconnue, que certains furent intitulés Gaon (34) et que, de surcroît, l’importante fonction juridique d’Av Beth Hadin (président de la cour rabbinique) ne fut pas tenue par les membres de la dynastie, il n’y a pas de doute que le Nassi jouissait d’une large autorité, à la fois comme chef de la communauté et comme directeur de la « Yeshivah aux vieux ». Cette autorité provenait des ressources du patrimoine familial, dont l’emploi pour les besoins publics, particulièrement ceux de l’école, fit des maîtres et des étudiants les dépendants des Nessiim, qui, de leur côté, déployaient une certaine activité dans le domaine de l’étude. D’autre part, l’exercice sur le long terme de cette autorité ajouta une dimension spirituelle au prestige de la famille, au point que, lorsque les « rois juifs » eurent vendu au XIIIe siècle leurs propriétés foncières, leur qualité de directeurs de la Yeshivah resta le fondement de leur prestige jusqu’à l’expulsion des juifs de Narbonne par Philippe le Bel en 1306 et à la dispersion de l’école.
Ces trois siècles de l’histoire attestée de la famille des Nessiim de Narbonne comportent deux périodes distinctes par leur caractère, les XIème- XIIème siècles d’une part et le XIIIème de l’autre. Cette périodisation correspond aussi aux mutations socio-économiques du monde chrétien occitan et en dépend étroitement.
1. Les XIème et XIIème siècles, caractérisés par l’établissement du régime féodal méridional sous la prépondérance des comtes de Toulouse, représentent l’époque culminante du centre juif. Pendant cette période la dynastie des Nessiim a établi son pouvoir et a diffusé son prestige dans le monde juif occidental grâce à l’autorité de son centre d’études rabbiniques.
2. En revanche, le XIIIème siècle se caractérise par la décadence de la féodalité, par l’établissement de l’autorité royale dans le pays et par l’essor de la société urbaine narbonnaise, qui se manifesta par l’établissement du consulat local. Dans la communauté juive, la mutation fut caractérisée par le déclin de l’école ; qui plus est, les Nessiim, ayant perdu leur patrimoine foncier, furent obligés de partager le pouvoir avec la nouvelle couche des marchands et financiers qui, parallèlement au consulat, formèrent le conseil des Parnassim qui prit en charge la direction effective de la communauté, laissant au Nassi l’autorité spirituelle sur une école décadente.
Pendant la première époque de l’ascension et de l’essor, les Nessiim, grâce à la possession de leurs terres, ont fait figure de seigneurs, semblables aux autres feudataires de la région ; outre leurs domaines ruraux, ils étaient propriétaires d’une importante partie de la juiverie de la cité, située entre le palais vicomtal et la seigneurie urbaine des archevêques (35). Ce domaine urbain contenait le bâtiment de la synagogue, les locaux de l’école, ainsi que leur propre demeure, appelée dans les documents latins curtada regis Judaei (36). Faute de documents et surtout de livres de comptes, il est impossible d’estimer le montant des revenus de cette famille de rentiers, dont le train de vie amena les voisins chrétiens à considérer « le roi juif » comme un des seigneurs de la ville ; cette image fut incluse dans la légende des origines du « roi juif » du récit de Pseudo-Philomène et devint ainsi le fondement de la prétendue création des trois seigneuries de Narbonne par Charlemagne (37). Pourtant, cette ressemblance entre le « roi juif » et les seigneurs chrétiens, qui ne correspondait pas aux pratiques du régime seigneurial dans le Midi, n’a pas été adoptée par les chancelleries méridionales ; l’importance du serment de fidélité comme fondement des pouvoirs seigneuriaux (38) distingua nettement entre ceux-ci et les Nessiim qui, malgré leur titre prestigieux, n’étaient pas effectivement « rois » ou seigneurs et doivent donc être qualifiés de riches rentiers, propriétaires d’alleux. Certes, ils en tiraient des revenus, mais ils étaient dépourvus des pouvoirs de commandement sur leurs paysans, ne jouissant ni du service militaire, ni de la justice, droits exercés respectivement par les officiers du vicomte et de l’archevêque (39).
La condition juridique et sociale des Nessiim, dans leur qualité de dirigeants de la communauté de Narbonne, peut être définie à l’époque de Todros (V), le fils de Kalonymus « le Grand », qui exerça la fonction de Nassi pendant le second quart du XIIe siècle, dont une bonne partie correspondait à la guerre de la succession de Narbonne (1134-1143). Conséquence de la mort du vicomte Aimeri II à la bataille de Fraga (Aragon), cette guerre, qui opposa les princes méridionaux, voire les comtes de Toulouse et de Barcelone, ainsi que leurs grands vassaux du Languedoc, eut comme enjeu le droit de choisir l’époux de la jeune héritière du vicomte, Ermengarde (40). La communauté juive de Narbonne et son école en subirent les effets ; de nombreux habitants juifs de la ville émigrè- rent, dont quelques savants de l’école. En outre, la communauté fut frappée par une lourde contribution aux frais de la guerre – Vamparancia. Pendant cette crise, Todros fit preuve de ses qualités de dirigeant, préoccupé de sauvegarder sa communauté ; aussi bien avança-t-il la somme de la contribution sur ses propres deniers, quitte à réorganiser la communauté et à répartir de manière équitable les frais de la contribution. A cet égard, il procéda selon les coutumes des communautés de France septentrionale et d’Allemagne où la communauté était imposée par les seigneurs, tout en laissant à ses notables le soin de répartir le montant parmi ses membres (41). De surcroît, le chroniqueur juif de Narbonne témoigne que Todros livra des membres de sa famille comme gages pour le versement de Vamparancia. Cette exigence est une preuve complémentaire de la condition du Nassi ; le « roi juif » était certes un notable alleutier, mais pour les autorités féodales il était dépourvu de toute qualité seigneuriale. C’est ainsi que Todros, qui, sauf l’affaire de Vamparancia, ne fut pas concerné par la guerre, concentra toute son énergie à la consolidation de la communauté et, après la guerre, à la reconstitution de la Yeshivah, où il prit une part active dans l’enseignement, puisqu’il fut considéré comme savant dans les sciences rabbiniques et, selon les traditions de sa famille, comme compositeur de chants liturgiques (42).
Malgré ses efforts, l’activité de Todros se solda seulement par un succès partiel. Une bonne partie des émigrés ne retourna pas à Narbonne et fut dispersée, surtout en France et dans les royaumes chrétiens de la péninsule ibérique. En particulier, la fameuse Yeshivah en fut affectée ; certes son prestige et la qualité des sages qui étaient restés dans la ville lui assuraient encore au milieu du XIIe siècle une prépondérance en tant que centre des études talmudiques du Languedoc, comme en témoigne le voyageur Benjamin de Tudèle lors de sa visite à Narbonne vers 1166 (43). Néanmoins, parmi les sages dispersés et installés ailleurs dans la province, il y eut des fondateurs de nouvelles écoles, comme à Lunel ou à Poquières (44). Au cours de la seconde moitié du siècle, ces écoles devinrent des centres indépendants de l’autorité des Nessiim narbonnais, qui, de leur côté, déployèrent des efforts pour maintenir leur pouvoir et l’ascendance de leur Yeshivah. Sous l’influence de la diffusion de la légende de Charlemagne dans le Midi (45), on acheva la combinaison des divers éléments de la légende maki- rienne au temps du Nassi Kalonymus ben Todros. C’est ainsi que les traditions nébuleuses des origines de la famille subirent des transformations, aboutissant à la cristallisation de la légende, liée à la fois aux différentes versions de la translation des études talmudiques de la Mésopotamie en Occident et aux gestes de Charlemagne. Certes, cette version narbonnaise de la légende représente une déformation des réalités mésopotamieimes, surtout en ce qui concerne les rapports entre les Exilarques et les Geonim ; à ce propos, elle refléta la volonté de concilier les tendances aristrocra- tiques en vogue, faisant croire que les Nessiim étaient issus du lignage du roi David par l’intermédiaire des Exilarques, avec la jouissance par ceux-ci de l’autorité spirituelle des Geonim sur les académies mésopotamieimes. Kalonymus, les membres de sa famille et de son entourage, dont l’auteur anonyme de la chronique hébraïque, ont sans doute été persuadés qu’en mettant en relief l’appartenance du Nassi au lignage royal israélite, tout en soulignant la tradition scolastique selon laquelle la Yeshivah de Narbonne héritait directement et de manière légitime l’autorité des académies « baby- lonéennes », ils pourraient assurer la prépondérance de cette école et donc de leur propre autorité. A cet égard, l’installation à Narbonne de la famille Kimhi, des grammairiens réputés qui émigrèrent d’Espagne vers la même époque (46), donna un nouvel éclat, le dernier, au centre narbonnais et signifia la continuité des activités de cette école, malgré l’essor des nouveaux centres occitans.
Cependant, ces efforts et la propagande diffusée par la chronique hébraïque de Narbonne se sont heurtés à de nouvelles difficultés, qui firent échouer les desseins de Kalonymus. L’évolution économique, liée à la croissance du commerce et au développement urbain au XIIe siècles causa une dévalorisation effective des revenus provenant des domaines ruraux. Les seigneurs qui ne jouissaient pas des revenus provenant des tonlieux et des marchés urbains subirent un amoindrissement de leurs ressources ; c’est ainsi qu’à partir de la seconde moitié du XIIe siècle ils éprouvèrent des difficultés à maintenir leur rang et leur niveau de vie, d’autant plus que la hausse des prix des produits urbains amena à l’accroissement constant de leurs dépenses (47). Ce processus fut ressenti en France méridionale et, dans le cas spécifique étudié ici, à Narbonne. La croissance économique et les activités du port entraînèrent l’agrandissement de l’ancienne cité ; la fondation du Bourg sur la rive méridionale de l’Aude en témoigne. Ce processus aboutit à l’établissement du consulat, au détriment des pouvoirs seigneuriaux, évolution qu’il faut dater entre le dernier quart du XIIe et la moitié du XIIIe siècle (48). Accompagnées par des tensions sociales et par la diffusion de l’hérésie albigeoise, ces mutations créèrent des difficultés aux Nessiim dans la gestion de leurs domaines, d’autant plus qu’ils ne pouvaient pas procéder à une réévaluation de leurs revenus. C’est ainsi qu’afin de maintenir leur niveau de vie et de faire face à leurs obligations traditionnelles, les Nessiim se virent obligés d’aliéner une partie de leur patrimoine rural. Déjà entamée dans les dernières années de la vie de Kalonymus, qui avait vendu en 1 195 aux hospitaliers de Saint- Jean ses terres situées au nord de l’enceinte de la cité, dont le Mont Judaic (49), la vente des domaines prit une ampleur considérable au début du XIIIe siècle, sous son successeur Lévi.
Par conséquent, la communauté juive de Narbonne se trouva divisée du point de vue topographique en deux groupes distincts. L’un, contenant sa majeure partie, dont la cour des Nessiim et les locaux de l’école, faisait partie de la seigneurie vicomtale, tandis que les habitants juifs du nouveau quartier septentrional, Belvèze, appartenaient à la seigneurie archiépiscopale. Pourtant, cette division ne provoqua pas de changements dans la condition de la juiverie narbonnaise. La communauté resta unie sous l’autorité du Nassi, qui, comme dans les siècles précédents, ne jouissait pas des droits seigneuriaux. D’autre part, la vente des domaines ruraux de la famille impliqua un changement de l’image des « trois seigneuries créées par Charlemagne », telle qu’elle se dégage de la légende du Pseudo- Philomène ; néanmoins, le Nassi continuait d’être appelé « le roi juif » par la population chrétienne de la région, ce qui laissa intact son prestige. A l’intérieur de la communauté, le Nassi jouissait encore d’une autorité incontestée, qui en faisait aussi le dirigeant du judaïsme occitan tout entier. En effet, réagissant à la croisade albigeoise et aux canons concernant les juifs du quatrième concile du Latran, les chefs des communautés du Languedoc, qui se concertèrent sous la présidence du Nassi Lévi, procédèrent à une série de démarches afin de sauvegarder leur condition. Aussi bien, malgré la perte de ses domaines, Lévi jouit d’une autorité considérable comme chef du judaïsme occitan (50).
La conquête de Narbonne par les participants à la croisade albigeoise en 1209 amena des changements radicaux dans le régime féodal dans la région, en raison de l’adoption des coutumes pratiquées en France du Nord. Tandis que les deux seigneurs, le vicomte et l’archevêque, continuèrent à se partager la domination de la ville, les alleutiers durent faire face à des difficultés croissantes pour jouir de la possession de leurs alleux ; pratiquement, ils furent obligés de s’intégrer au régime des fiefs et de la vassalité (51). La disparition du régime allodial créa des difficultés plus graves aux propriétaires fonciers juifs, en premier lieu aux Nessiim, qui ne pouvaient pas, en vertu de la nature du serment de fidélité, devenir des vassaux. Par conséquent, ils furent obligés de vendre leurs domaines ruraux. Ce processus, déjà entamé depuis la fin du XIIe siècle et continué par le Nassi Lévi, fut achevé par son successeur Todros ben Kalonymus (1216- 1242) (52). Quoique la famille ait continué à posséder un important patrimoine foncier dans la ville, elle fut affectée par la perte de ses domaines ruraux, naguère la source principale de sa richesse. Cet amoindrissement de sa fortune impliquait un appauvrissement relatif, d’autant plus que, de manière semblable aux seigneurs chrétiens contemporains, les Nessiim, accoutumés au train de vie de rentier, n’investirent pas leurs fonds dans le commerce et l’économie urbaine, ce qui amena rapidement la dispersion des capitaux provenant de la vente de leurs domaines. Même si une certaine partie de cet avoir fut investie dans des activités économiques urbaines, elle le fut par des intermédiaires ; les membres de la dynastie étaient en pareil cas bailleurs de fonds des marchands ou des financiers juifs locaux, censés leur réserver une partie de leurs profits. L’échec des Nessiim à convertir leurs activités en économie commerciale entraîna leur dépendance croissante à l’égard des membres aisés de la communauté, qui furent appelés à contribuer à ses dépenses et, en premier lieu, au maintien de la Yeshivah, que la famille ne pouvait plus assurer de ses propres ressources. A ce propos, il faut mentionner que l’établissement d’une troisième juiverie à Narbonne, dans le quartier de Villeneuve (53), au sud-est de l’ancien rempart de la cité, accrut sensiblement les dépenses communautaires. Ces habitants de Villeneuve étaient des immigrants provenant des villes de la sénéchaussée de Beaucaire, où les officiers royaux adoptèrent le régime des juifs du domaine royal pendant le règne de Philippe-Auguste (54). Cette juiverie fut dotée d’une synagogue et d’une école talmudique, dont la construction fut terminée en 1244. Il en résulta que les membres de la couche plus aisée de la communauté, les boni viri, furent appelés à contribuer à ses besoins matériels, tandis que la part des Nessiim dans ces dépenses allait s ‘amoindrissant.
Cependant, la contribution de ces prud’hommes aux dépenses communautaires impliquait leur participation au gouvernement de la communauté, selon les coutumes pratiquées dans l’ensemble des communautés juives en Europe. Il est impossible de préciser dans quelle mesure cette transformation radicale du régime fut imposée aux Nessiim ; en tout cas, on peut supposer que ceux-ci n’eurent pas l’initiative de chercher des partenaires à leur gouvernement monocratique. Quoi qu’il en soit, ce processus mit un terme au régime particulier de la juiverie de Narbonne, voire à la domination exclusive du Nassi, qui pourtant garda son titre de chef de la Yeshivah.
Tandis que la communauté subissait ce changement révolutionnaire des structures de son gouvernement, les pratiques capétiennes supplantaient les anciennes structures féodales du Languedoc. Les chancelleries seigneuriales émirent des actes confirmant les droits et les devoirs de leurs vassaux et les services dus aux seigneurs (55). Parmi les bénéficiaires de ces chartes, on remarque la communauté juive de Narbonne, dont le privilège confirmé en 1217 par le vicomte Aiméri IV reflète les changements structurels subis depuis le début du XIIIe siècle. L’acte fut conjointement adressé au Nassi Todros, qualifié de rex Judaeus, et aux dix notables, mentionnés par leurs noms et qualifiés de prudentes homini, titre équivalent au terme hébraïque de parnassim (56). Selon ce document, le Nassi jouissait encore d’une condition privilégiée, à la fois par la mention de son épithète royal et par l’insertion d’un article particulier qui concernait ses biens, distingués de ceux de la communauté : « exception faite de « l’honneur » du Roi Juif qu’il possède et qu’il tient par la succession de son patrimoine » (57). A ce propos il est important de souligner que l’emploi du terme honor concernant les biens du Nassi signifie que, pendant la seconde décennie du siècle, celui-ci jouissait encore d’un prestige particulier dans la ville, d’un état de quasi seigneur, et ceci sous l’influence de la version latine de la légende du Pseudo-Philomène (58).
Pourtant, l’élément le plus intéressant de cette charte, voire la nouveauté, réside dans la constitution d’un gouvernement propre de la communauté, séparé du Nassi : un conseil de dix notables, les prud’hommes, qui, en 1217, était déjà institutionnalisé et actif. Certes, il y avait eu auparavant, déjà au XIe siècle, des juifs opulents qui avaient contribué aux dépenses publiques et surtout aux besoins de la Yeshivah (59), mais sans avoir exigé ou obtenu une participation quelconque au gouvernement de la communauté. D’autre part, on peut supposer que la constitution du conseil des Parnassim a été parallèle au processus de formation du consulat urbain de Narbonne ; mais il est difficile de l’affirmer, faute d’une datation cohérente de l’établissement du consulat (60). En tout cas, en ce qui concerne la juiverie de Narbonne, la charte de 1217 témoigne de la constitution d’un régime dualiste, composé par le Nassi et les dix prud’hommes, qui étaient responsables de la gestion des biens communautaires, sauf le patrimoine des Nessiim, et de la fiscalité, surtout de la perception des taxes.
Cependant, ce régime dualiste n’était et ne pouvait être qu’une solution temporaire. La décadence économique des Nessiim devint un phénomène constant au cours du siècle, ce qui les rendit plus dépendants des prud’hommes, dont certains déployaient des activités dans le commerce international, souvent en association avec des partenaires chrétiens locaux (61). Par conséquent, on remarque un processus d’effacement du Nassi du gouvernement de la communauté, mais il conserve sa position de dirigeant spirituel, en tant que directeur de l’école. Pourtant, la Yeshivah de Narbonne n’avait plus sa gloire des siècles précédents ; après la mort, en 1235, du grand exégète et grammairien David Kimhi, elle ne fut plus illustrée par des savants réputés et donc prestigieux. Vers le milieu du siècle, le Nassi a perdu sa place dans le gouvernement de la communauté ; il s’agit d’un processus parallèle à celui de la constitution du consulat et à celui de l’effacement du vicomte dans l’administration urbaine. Les gens du consulat, appartenant aux mêmes couches sociales que les prud’hommes juifs, procédèrent vers 1245 à la rédaction des statuts, réglant la vie quotidienne dans la ville ; selon leur teneur, les Parnassim, qualifiés de «c consuls des juifs », furent chargés de les faire appliquer dans les quartiers juifs de la ville (62). Les textes du consulat ne font pas mention de « roi juif » ou de Nassi et l’on n’y trouve pas d’allusions à une condition privilégiée de telle ou telle personnalité de la juiverie, ce qui implique que, déjà au milieu du XIIIe siècle, les Nessiim n’étaient plus considérés comme participant au gouvernement communautaire. Faute de témoignages provenant des sources juives, il est impossible de suivre le processus de l’effacement du Nassi ; il devrait être achevé, semble-t-il, après la mort de Todrqe , en 1242. En tout cas, la charte du vicomte Amauri Ier, de 1269, renouvelant les privilèges de la communauté juive de Narbonne, ne contient plus la fameuse clause de 1217 mentionnant les droits héréditaires du « roi juif » ; elle fait état des « consuls juifs de Narbonne », qualifiés de responsables du gouvernement de la communauté, la représentant auprès des autorités et, évidemment, préposés aux impôts et à leur perception (63). La même attitude fut adoptée par l’archevêque Pierre de Montbrun, lorsqu’il confirma en 1284 les privilèges de la « petite juiverie » située dans la seigneurie archiépiscopale ; préalablement, la mouvance de la « petite juiverie » avait été délimitée dans le compromis de 1276 entre le vicomte et l’archevêque concernant les limites des deux seigneuries urbaines (64).
Cette véritable révolution du régime de la communauté juive de Narbonne au XIIIe siècle n’a pas été le résultat d’un effacement volontaire des Nessiim. Ils furent obligés de renoncer à leur pouvoir monocratique et d’accepter la formation du conseil des parnassim en raison des circonstances résultant de la perte de leur patrimoine rural et de leur incapacité, ou de leur refus, de reconvertir leurs activités économiques, au point qu’ils n’ont pas été considérés comme appartenant à la nouvelle couche des prud’hommes. En effet, même après avoir perdu leur place dans le gouvernement de la communauté, ils ont continué à employer leur titre royal dans leurs sceaux bilingues, qui contenaient l’élément héraldique du « lion de la Judée », symbolisant le lignage du roi David (65). Leur demeure, située près du palais vicomtal, continuait d’être appelée «x la cour du roi juif », appellation préservée dans la toponymie de Narbonne jusqu’au XVIIIe siècle (66).
Qui plus est, la légende, à la fois dans la société chrétienne et dans leur propre entourage, continuait à souligner les origines carolingiennes de leurs prétentions, dans une perspective nouvelle cependant, propre aux traditions chevaleresques. C’est ainsi que l’auteur de la chanson de geste Aymeri de Narbonne raconta que Charlemagne, ayant commandé personnellement l’assaut de Narbonne, se trouva en danger de mort quand son cheval fut tué. Il fut alors sauvé par un chevalier juif, qui lui donna son propre cheval. En guise de reconnaissance, l’empereur investit ses descendants d’une seigneurie à Narbonne et confirma leur titre de « roi juif » (67). Cette nouvelle version fut adoptée dans l’entourage des Nessiim, où elle remplaça l’ancienne légende de Makir du siècle précédent. Ils en firent cas lors de la détérioration de la condition des juifs à Narbonne, qui commença pendant les émeutes de 1236 (68) et surtout quand les juifs furent obligés, dans la seconde moitié du siècle, de se présenter dans la synagogue locale, afin d’écouter les prédications des Mendiants, pour leur conversion. Dans son traité polémique, Milhemeth Miswah (« La guerre sainte »), Méïr ben Simeon évoqua la légende du chevalier juif qui avait sacrifié sa vie afin de sauver celle de Charlemagne comme fondement des droits particuliers des juifs narbonnais, qui en jouissaient grâce aux Nessiim (69). Il conclut son argument en soulignant que c’était « le devoir du roi de France », en l’occurrence saint Louis, que de faire respecter le privilège de Charlemagne, octroyé en reconnaissance de son obligation à leur ancêtre (70).
L’adoption de cette nouvelle version légendaire des origines et des privilèges des Nessiim reflète les efforts de la dynastie pour sauvegarder sa position dans la communauté, malgré la perte de son pouvoir effectif en faveur des prud’hommes. En effet, l’argument de Méïr ben Simeon concernant l’obligation du roi de France de maintenir la « promesse de Charlemagne » concernait les privilèges du Nassi ; selon lui, les droits de la communauté dérivaient de ces privilèges. Aussi bien, sa polémique visait surtout les notables juifs, mis en garde de ne pas toucher aux prérogatives du Nassi. Cependant, ces efforts de la famille et de son entourage se soldèrent par un échec, parce qu’ils s’opposaient aux réalités socio-économiques ; leur seul résultat se situa dans le domaine du prestige de la dynastie, qu’il se manifestât par la déférence aux « rois juifs » par la société chrétienne de la ville ou par la reconnaissance de leur autorité spirituelle, en tant que chefs de la Yeshivah locale.
Pourtant, si l’on ne contestait pas l’autorité spirituelle des Nessiim au XIIIe siècle, il s’avère que leur école a perdu sa place prépondérante dans le Languedoc, au plus tard après la mort de David Kimhi, en 1235. Outre les écoles fondées dans le pays occitan dans la seconde moitié du XIIe siècle, qui avaient éclipsé la gloire du centre narbonnais, la création d’un centre talmudique à Montpellier au cours du XIIIe siècle (71) donna le coup de grâce à l’école de Narbonne, dont les activités ne furent qu’un pâle reflet de son ancien éclat. C’est ainsi que le grand débat intellectuel du judaïsme au XIIIe siècle, la polémique sur les écrits de Maïmonide et donc sur le problème de la légitimité des études philosophiques, a été mené à Montpellier, dont l’école est devenue le centre par excellence des anti-maïmonidiens. Après la mort de David Kimhi, qui avait été appelé pour arbitrer entre les polémistes en Espagne, aucun sage de Narbonne ne fut saisi de la dispute, de même que l’on ne trouve pas d’indications sur d’éventuelles initiatives narbonnaises dans ce domaine. Néanmoins, le prestige traditionnel des Nessiim amenait des sages occitans à requérir leur consentement dans telle ou telle question débattue dans de différentes écoles. Ces requêtes ressor- tent d’une attitude de déférence envers les dirigeants traditionnels du judaïsme occitan, voire d’actes de courtoisie, plutôt que du besoin de sceller les débats par le Nassi en vertu de son autorité. Cependant, cette pratique créa dans la seconde moitié du siècle l’image stéréotypée d’un exercice de l’autorité spirituelle des chefs de la dynastie qui, outre leur prestige, représentaient symboliquement l’attachement à l’orthodoxie juive. Qui plus est, pendant ce second conflit de la polémique maïmonidienne en Languedoc, vers 1300, quand l’école de Narbonne arriva au niveau le plus bas de sa décadence, le Nassi Todros, appelé aussi Astruc-Taurus en occitan, fut tenu au courant de la polémique par les talmudistes de Montpellier, qui en furent les principaux protagonistes. Le texte du compromis, qui mit un terme au conflit, fut lui aussi rédigé à Montpellier. Selon la coutume, les sages montpelliérains requirent le consentement des autorités rabbiniques contemporaines, dont celui du Nassi de Narbonne. Dans ce cas particulier, la lettre de consentement, insérée dans le recueil des textes polémiques d’Abba Mari de Lunel, fut conservée ; or, tandis qu’au fond ce document n’ajoute rien aux arguments déjà soulevés dans les débats, il faut en remarquer la forme et le style. En effet, le Nassi Todros fit semblant d’avoir prononcé son verdict, en décidant de l’issue des contestations (72). C’est ainsi que la sentence du dernier Nassi de Narbonne, à la veille de l’expulsion des Juifs de France en 1306, comporte une valeur symbolique, parce qu’en dépit de la décadence de la dynastie, elle exprimait sa volonté de sauvegarder son autorité, sinon une autorité réelle au moins une autorité de principe.
Pendant trois siècles, la communauté juive de Narbonne fut dirigée par une dynastie, que ses membres gouvernèrent de façon monocratique et à laquelle ils donnèrent un régime exceptionnel d’institutions communautaires. Le plus important apport de cette famille fut sans doute la création de l’essor de l’école talmudique, devenue le centre des études judaïques de Languedoc-Provence, surtout grâce à leur habileté à y attirer des savants réputés, à prendre soin de leurs besoins matériels et à les intégrer dans les activités intellectuelles de ce centre, dirigé par les Nessiim eux-mêmes. L’essor de cette école amena cette famille d’alleutiers à créer et à faire diffuser des récits légendaires sur leurs origines, qui furent rattachés à la fois aux versions concernant le processus de translation de l’enseignement du centre mésopotamien d’études talmudiques en Occident et à la légende carolingienne de la conquête de Narbonne, dans ses différentes expressions des XIIe et XIIIe siècles. A ces éléments fut ajouté le trait original de la légende narbonnaise, la descendance des membres de la famille de la maison royale de David. La fusion de ces différentes légendes, diffusées aussi bien chez les juifs que dans la population chrétienne, aboutit à la transformation de la famille des Nessiim en lignage aristocratique, jouissant des apparences d’un pouvoir seigneural.
Pourtant, l’incapacité des Nessiim, obligés de se dessaisir de leur patrimoine rural, qui avait été la source de leur fortune et le fondement matériel de leur pouvoir, à reconvertir leurs activités économiques et à s’intégrer au marché urbain, fut la cause de leur décadence au XIIIe siècle. Obligés de partager le gouvernement de la communauté avec les Parnassim, ils durent finalement, malgré eux, renoncer à leur part du gouvernement communautaire, quitte à conserver leur autorité spirituelle, comme directeurs d’une école déchue de la gloire des XIe et XIIe siècles. A la veille de l’expulsion des juifs de France en 1306, qui mit un terme à l’existence même de la dynastie, les Nessiim jouissaient toujours d’un prestige particulier, à la fois dans la ville, où ils continuaient à être qualifiés de « rois juifs », et parmi les communautés occitanes.
ARYEH GRABOIS
Professeur à l’Université de Haïfa, Aryeh Graboïs a consacré ses recherches à l’histoire sociale et religieuse de la France médiévale, ainsi qu’aux rapports entre juifs et chrétiens au Moyen Age ; il a notamment publié une Typologie des sources hébraïques médiévales.
NOTES
1. Levitatz, « Nassi », Encyclopaedia Judaica (en anglais, Jérusalem, 1970), XII, col. 834- 835.
2. Les structures communautaires, leurs institutions et les limites de leurs pouvoirs ont fait l’objet d’une étude de Baron (S.W.), The Jewish Community, Philadelphie, 1943.
3. Régné (J.), Étude sur la condition des Juifs de Narbonne du V’ au XIVe siècle, Narbonne, 1912, a fait l’histoire de la communauté ; son ouvrage reste toujours valable, malgré son âge. Pour le haut Moyen Age il faut cependant consulter aussi les études de Katz (S.), The Jews in the Visigothic andFrankish Kingdoms of Spain and Gaul, Cambridge (Mass.), 1937, et de Bachrach (B.S.), Early Medieval Jewish Policy in Western Europe, Minneapolis, 1977, p. 66-70.
4. Le concile d’Agde de 506 avait adopté une attitude nette à cet égard (Mansi, Concilia, t. VIII, col. 331) ; la teneur du canon fut reprise dans les canons du quatrième concile de Tolède, de 633 (ibid., t. X, col. 633-635).
5. Jafpé-Loewenfeld, Regesta Pontificum Romanorum, N° 2389. Cf. Katz, op. cit. (note 3), p. 157-159.
6. Sur la pratique du mécénat dans les communautés séfarades, particulièrement dans le califat de Cordoue à l’époque de Hisdaï Ibn Shaprut et de Samuel Ibn Naghrela (seconde moitié du Xe et premier tiers du XIe siècle), cf. parmi la vaste bibliographie, Shirmann (H.), « Samuel Honnagid, the Man, the Soldier, the Politician », Jewish Social Studien, 13, 1951, 99-126.
7. Benedict (B. W.), « Caractères originaux de la science rabbinique en Languedoc », dans Les juifs au Languedoc (Cahiers de Fanjeaux, 12, 1977, 159-172), où il résume les résultats de ses recherches sur l’histoire du centre rabbinique du pays, publiées en hébreu.
Sur le plan typologique, la légende narbonnaise se rattache aux traditions de différentes communautés occidentales concernant l’épanouissement de l’enseignement talmudique et la fondation des écoles rabbiniques dans les pays du Maghreb et de l’Europe occidentale. Ces traditions reflètent quelques variantes du même thème principal : la diffusion de l’enseignement « babylonéen », à partir de la Mésopotamie, dans les nouveaux centres occidentaux, toujours par l’émigration de maîtres réputés. C’est ainsi que l’histoire de l’émigration de Natronaï ben Zabinaï, racontée à la
8. Paris (G.), Histoire poétique de Charlemagne, Paris, 1865 ; Bédier (J.), Les légendes épiques, 4 vol., Paris, 1912-1929 ; Lot (F.), Etudes sur les légendes épiques, Paris, 1957 ; Louis (R.), De l’histoire à la légende, Auxerre, 1945.
9. La Chronique hébraïque de l’Anonyme de Narbonne (titre donné par l’auteur du présent article), éd. A. Neubauer, dans Mediaeval Jewish Chronicles, t. 1, Oxford, 1887, p. 82-84. Cf. GraboIs (A.), « Le souvenir et la légende de Charlemagne dans les textes hébraïques médiévaux », U Moyen Age, 72, 1966, 5-41.
10. Igguereth Sherira Gaon, éd. Lewin (B. M.), Haïfa, 1921, p. 104. Dans ses Etudes sur les origines et le développement du rabbinat au Moyen Age, Paris, 1957, p. 7-16, Schwarzfuchs (S.) souligna que la légende de Makir n’est qu’une version locale de l’histoire de l’émigration de Natronaï. Pourtant, les deux récits diffèrent sur plusieurs points de détail, dont la tentative de la légende narbonnaise de lier l’arrivée de Makir aux rapports de Charlemagne et de Harun al-Rashid, mais aussi sur un point de pirncipe : tandis que Natronaï fait figure d’ostracisé, Makir est représenté comme un envoyé officiel, dont le départ de la Mésopotamie comporte le caractère d’une mission.
11. Neubauer (A.), « Abou Ahron, le Babylonéen », Revue des études juives, 23, 1891, 230- 237, contenant la publication du texte. Sur l’émigration des Kalonymides lucquois en Rhénanie, cf. Grossmann (A.) (en hébreu), « L’émigration de la famille de Kalonymus de l’Italie en Allemagne », Zion, 40, 1976, 154-180.
12. Abraham Ibn Daoud, Sefer Haqabbalah (« Le livre de la tradition »), éd. Cohen (G. D.), Philadelphie, 1967, p. 46-50 ; cf. Cohen (G. D.) « The Story of the Four Captives », Proceedings of the American Academy for Jewish Research, 29, 1960/61, 55-131.
13. Ibn Daoud, Sefer Haqabbalah, p. 59-60.
14. Grossmann (A.) (en hébreu), Les premiers Sages d’Ashkenaz, Jérusalem, 1980.
15. Ibn Daoud, op. cit., p. 58.
16. Molinier (A.), Etude sur ï administration féodale dans le Languedoc, 900-1250, Toulouse, 1878. Sur la condition des alleutiers juifs, cf. Régné, op. cit. (note 3), p. 172.
17. Benedict, art. cit. (note 7) et Graboïs, « Le souvenir… de Charlemagne », art. cit. (note 9).
18. Voir la charte de Louis Vu » de 1157, confirmant les privilèges de Bérenger, éd. Devic et Vaissette, Histoire de Languedoc, t V, n° 618, cf. Caille (J.), « Origine et développement de la seigneurie temporelle de l’archevêque dans la ville et le terroir de Narbonne », dans Narbonne, archéologie et histoire, t. 1, Montpellier, 1973, p. 9-36.
19. Pseudo-Philomene, éd. Schneegans (F. E.), Gesta Karoli magni ad Carcassonam et Narbonam, Halle, 1898, p. 178-182.
20. Ibid.,p. 181.
21. « Le retour du roi de France » illustré par 15 chartes royales confirmant les droits de seigneurs méridionaux (A. Luchaire, Etudes sur les actes de Louis VII, Paris, 1885) a été bien saisi par le chroniqueur juif de Narbonne : « et ils envoyaient immédiatement leur requête au roi et le roi donnait l’ordre de rendre les biens confisqués ; son ordre exécuté sans retard, parce que Narbonne appartient au roi de France » (Chronique hébraïque… de Narbonne, éd. cit., note 9, p. 84). Cf. Pacaut (M.), Louis VII et son royaume, Paris, 1965, p. 184-194. Quant à l’accroissement du prestige du Capétien dans le Midi, cf. Graboïs (A.), « Louis VII, pèlerin », Revue d’histoire de l’Eglise de France, 74, 1988, 5-22.
22. Baron, Jewish Community, op. cit. (note 2), s.v.
23.JL,n°2389(note5).
24. Benjamin de Tudele, Sufer massaoth (« Livre des voyages »), éd. Adler (N. A.), Londres, 1907, p. 3 ; Benedict, art. cit. (note 7).
25. Benedict (en hébreu), « R. Moïse ben R. Joseph de Narbonne », éd. Adler (N. A.), Londres, 1907, p. 3 ; Benedict, art. cit. (note 7).
26. Jacob Tam, Safer Hayashar (« Livre de droiture »), éd. Rosenthal (S. P.), Berlin, 1898, p. 90. Cf. l’analyse du texte et de ses sources par Finkelstein (L.), Jewish Self-Government in the Middle Ages, New York, 1924, p. 163.
27. « Lettres de Scheschet b. Isaac aux princes Kalonymus et Lévi de Narbonne », éd. Kauemann (D.), Revue des études juives, 39, 1899, 62-75 et 217-225.
28. Mann (J.), Texts and Studies in Jewish History and Literature, t. 1, Cincinnarti, 1931, p. 27-30
29. L’enseignement exégétique et les activités de Moïse Hadarshan ont été l’objet de l’étude d’A. Epstein (en hébreu), «c Moïse Hadarshan de Narbonne » (Vienne, 1891, rééd. dans Les Œuvres d’Abraham Epstein, t. 1, Jérusalem, 1950, p. 215-244). Cf. aussi S. A. Poznanski (en hébreu), Prolégomène sur les Sages français, exégètes bibliques, Varsovie, 1913.
30. Chronique… de l’Anonyme de Narbonne (éd. cit., note 9), p. 82. La description est sans doute tendancieuse et ne correspond pas aux réalités en ce qui concerne « l’obéissance » des Geonim mésopotamiens à l’Exilarque. Pourtant, l’analogie des régimes mésopotamien et narbonnais dressée par Benedict (« R. Moïse… », art. cit., note 25) ne peut être complètement acceptée, car les Nessiim étaient les chefs titulaires de la Yeshivah, malgré le titre de Gaon, qui fut conféré à certains de ces sages.
31. Graboïs (A.) (en hébreu), « Le gouvernement des Parnassim dans les communautés de la France septentrionale aux XIe et XIIe siècles ; les boni viri des communautés et les « Vieux » des cités », dans Culture et société du judaïsme médiéval : Mémorial de Hayym-Hillel Ben Sasson, Jérusalem, 1989, p. 303-314.
32. Dumézil (D.), Mythe et épopée – V idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-européens, 5e éd., Paris, 1986. Cf. Duby (G.), Les trois ordres ou l’imaginaire auféodalisme, Paris, 1978.
33. Les fréquents démêlés ont été décrits par le Gaon Sherira (fin du Xe siècle) dans son epître adressé à la communauté de Kairouan qui, malgré son titre, est effectivement une histoire des académies mésopotamieimes (Iggueret… éd. cit., note 10). Un de ces conflits , au VIIIe siècle, aboutit même au schisme karaïte, lors de l’opposition des Geonim aux tentatives d’un membre de la dynastie des Exilarques, Anan ben David, de s’ingérer dans le domaine spirituel. De son côté, Anan nia l’autorité divine du Talmud, ce qui le mit, avec ses partisans, en dehors de l’orthodoxie rabbinique. Sur les origines et le développement du schisme, cf. Birnbaum (Ph.) (éd.), Karaite Studies, New York, 1971.
34. L’Anonyme de Narbonne mentionne dans sa chronique quatre générations de sages réputés aux XIe et XIIe siècles (p. 83-84) ; pour leur identification et leurs œuvres, cf. Benedict, art. cit. (note 7).
35. Pour la topographie historique de Narbonne féodale, cf. Carbonel (P.), Histoire de Narbonne des origines à l’époque contemporaine, Narbonne, 1924, p. 119 ss., et Caille (J.), art. cit. (note 18).
36. Cette appellation se retrouve dans l’acte de la vente des biens des juifs narbonnais, effectuée après leur exil par les officiers de Philippe le Bel (éd. G. Saige, dans Les juifs du Languedoc antérieurement au XIVe siècle, Paris, 1881, p. 272-280. Malgré l’affectation de la curtada au siège du consulat, l’appellation continua d’être employée jusqu’au XVIIIe siècle.
37. Gesta Karoli…, op. cit. (note 19).
38. Cf. Magnou-Nortier (E.), « Fidélité et féodalité méridionale d’après les serments de fidélité (Xe-début XIIe siècle) », dans Les structures sociales de l’Aquitaine, du Languedoc et de l’Espagne au premier âge féodal, Vans, 1969, p. 115-142.
39. Lewis (A. R.), The Development of Southern French and Catalan Societies (718-1050), Austin, 1965, et J. Caille, « Les seigneurs de Narbonne dans le conflit Toulouse-Barcelone au XIIe siècle », Annales du Midi, 97, 1985, 227-244.
40. Higounet (Ch.), « Un grand chapitre de l’histoire du XIIe siècle : la rivalité des maisons de Toulouse et de Barcelone pour la prépondérance méridionale », dans Mélanges Louis Halphen, Paris, 1951, p. 313-322 ; A. GraboIs, « Une étape dans l’évolution vers la désagrégation de l’Etat toulousain au XIIe siècle : l’intervention d’Alphonse- Jourdain à Narbonne (1134-1143) », Annales du Midi, 78, 1966, 23-35 ; Bisson (T. N.), « The Organized Peace in Southern France and Catalonia (c. 1140-c. 1223) », American Historical Review, 82, 1977, 290-311 ; Caille (J.), « Ermengarde, vicomtesse de Narbonne », dans La femme dans l’histoire et la société méridionales, Montpellier, 1995, p. 9-50.
41. Chronique… de Narbonne, op. cit. (note 9), p. 83. Sur Vamparancia, cf. Molinier, op. cit. (note 16). Quant aux pratiques de l’imposition des contributions dues aux seigneurs par les communautés de la France du Nord et leur perception, cf. GraboIs (A.), « Les juifs et leurs seigneurs dans la France septentrionale aux XIe XIIe siècles », dans Les juifs dans l’histoire de France, Leiden, 1980, p. 11-23.
42. Chronique… de Narbonne, op. cit., p. 83-84.
43. Benjamin de Tudele, op. cit. (note 24), p. 3.
44. Le processus de cette prolifération des écoles, aidée parfois par des mécènes locaux, tel Meshullam ben Jacob à Lunel, peut être reconstitué grâce au traité de Zerahyah Halévi de Gérone, Sefer Hamaor (« Livre du luminaire »), imprimé dans les éditions du Talmud babylonéen. Ce traité contient essentiellement l’enseignement de son maître, Moïse ben Jacob de Narbonne, qui fut témoin de la fondation de l’école de Lunel et prit une partie active aux débats polémiques qui en résultèrent. Cf. Benedkit, « Moïse b. Jacob… », art. cit. (note 25). Sur le centre de Posquières, cf. Twersky (L), Rabad of Posquières : a Twelfth-Century Talmudist, Cambridge (Mass.), 1962.
45. V. note 8.
46. Talmage (F.), David Kimhi : the Man and his Commentaries, Cambridge (Mass.), 1975, qui retrace l’histoire de la famille depuis l’installation de son père, Joseph, à Narbonne vers 1160.
47. Sur les mutations économiques dans la région, cf. Ph. Wolff, Histoire du Languedoc, Toulouse, 1972, passim. Quant à leur influence sur le train de vie de l’aristocratie occidentale, cf. G. Duby, Guillaume le Maréchal, Paris, 1984.
48. Les origines du consulat de Narbonne ont fait l’objet d’études de différents chercheurs, dont les conclusions accusent des divergences. C’est ainsi que l’on trouve dans les documents locaux des personnes portant le titre de « consul » déjà depuis le début du XIIe siècle, mais il ne semble pas qu’il s’agissait d’une institution. Sur le problème terminologique, cf. Ph. Wolff, « Communes, libertés, franchises urbaines : le cas des consulats méridionaux », dans Les origines des libertés urbaines, Rouen, 1990, p. 235-242. L’évolution à Narbonne a été étudiée par R. Amouroux, Le consulat et l’administration municipale de Narbonne (XIe-XIIIe siècle), Toulouse, 1970, qui souligne les perspectives juridiques, et par J. Caille, « Le consulat de Narbonne : problème des origines », dans Les origines des libertés urbaines, op. cit., p. 243-263.
49. Ed. Saige, op. cit. (note 36), p. 138. L’acte contient une clause insolite : salvo et retento ibi semper jure et ratione nostra, qui pourrait être une allusion aux droits seigneuriaux du Nassi. Il faut y voir une formule de diplomatique seigneuriale que le scribe aurait incluse par inadvertance.
50. « Lettres de Scheschet… », éd. cit. (note 27), p. 63-64.
51. Parmi les différentes études, cf. R.W. Emery, Heresy and Inquisition in Narbonne, New York, 1941 et Wolff (éd.), op. cit. (note 47).
52. Cf. l’étude minutieuse de la vente de ce patrimoine par Régné, op. cit. (note 3), p. 164-
53. Régné, op. cit., p. 80.
54. Michel (R.), L’administration royale dans la sénéchaussée de Beaucaire au temps de saint Louis, Paris, 1915.
55. Molinier (A.) a publié un choix de chartes de confirmation par les seigneurs occitans dans sa réédition de Devic et Vaissette, t VU. Cf. aussi Emery, op. cit. (note 51).
56. Ed. Saige, op. cit. (note 36), p. 156-157.
57. Excepto solummodo honore Regis Judaei quem habet et tenet ex successione patrimonii sui (Saige, p. 156).
58. Le récit du Pseudo-Philomène fut traduit en latin en 1206 par le moine Paduanus ; sa diffusion dans la province au lendemain de la croisade albigeoise provoqua la renaissance de la légende carolingienne dans le Midi ; éd. Scheegans, op. cit. (note 19), p. 178-182. La crédibilité de la légende reflète l’importance de la culture populaire et de sa diffusion : cf. à cet égard J. Le Goff, « Culture ecclésiastique et culture folklorique au Moyen Age : saint Marcel et le dragon », réimprimé dans son recueil, Pour un autre Moyen Age, Paris, 1977, p. 236-278.
59. Par exemple, Isaac ben Marwan Lévi, au XIe siècle, mentionné comme un « grand et pieux propriétaire des biens fonciers, qui avait soutenu le peuple d’Israël de son argent… » (Chronique… de Narbonne, op. cit. note 9, p. 84).
60. V. note 48 ; en tout cas, la prise du pouvoir du consulat dans la ville date d’environ 1240.
61. V. L’inventaire des actes et documents de l’archevêché de Narbonne, dressé par Antoine Rocque vers 1640 ; Bibliothèque municipale de Narbonne, Ms. Rocque, Registre II.
62. Régné, op. cit. (note 3), p. 182 ; cf. A. GraboIs (en hébreu), « De la Nessiuth au gouvernement des Parnassim : les mutations du régime de la communauté de Narbonne au XIIIe siècle » dans Oummah VetoV doteïah (« Un peuple et son histoire »), t. 1, Jérusalem, 1983, p. 233-243.
63. Ed. Gaillard (B.), « Une charte inédite du XIIIe siècle en faveur des juifs de Narbonne », Bulletin de la Société archéologique de Montpellier, 8, 1922, 102-111.
64. La charte de Pierre de Montbrun a été publiée par Régné, op. cit. (note 3), p. 231-234. L’acte de compromis de 1276 fut publié par Saige, op. cit. (note 36), p. 206-207. Cf. J. Caille « La seigneurie temporelle de l’archevêque dans la ville de Narbonne (deuxième moitié du XIII* siècle) », Cahiers de Fanjeaux, 7, 1972, 164-209.
65. Publié par A. de Longperrier, « Notice sur quelques sceaux juifs bilingues », Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, Paris, 1873, p. 235-240.
66. Plan Varlet, Bibliothèque municipale de Narbonne, Plans de l’Intendance, n° 41.
67. La chanson Aymeri de Narbonne, éd. L. Demaison, t. II, Paris, 1887, v. 690 ss.
68. Un Pourim de 1236, éd. A. Neubauer, dans Mediaeval Jewish Chronicles, t. II, Oxford, 1893, p. 251 ; cf. D. Kaufmann, « Le Pourim de Narbonne », Revue des études juives, 32, 1896, 129-130.
69. R. Chazan, « Polemical Themes in the Milhemet Mizvah », dans Les juifs au regard de l’histoire, éd. G. Dahan, Paris, 1984, p. 169-184.
70. Meir ben Simeon, Milhemeth Miswah ; fragment du ms. de la Bibliothèque palatine de Parme, publié par A. Neubauer, <c Documents sur Narbonne », Revue des études juives, 10, 1885, 98-99.
71. Cf. Benedkt, « Caractères originaux… », art. cit. (note 7).
72. Abba Mari de Lunel (Montpellier), Minhath Qenaoth (« Offrande de zèle »), éd. M. L. Bisliches, Pressburg, 1839, p. 141. Cf. Ch. Touati, « Les deux conflits autour de Maïmonide et des études philosophiques », Cahiers de Fanjeaux, 12, 1977, 173-184, et A. GraboIs, « Les écoles de Narbonne au XIIIe siècle », ibid., p. 141-157.